Merci Philippe pour tes propos sur le réveil d’un certaine « intelligence française »… qui, sans la nier, atténue un peu la dureté de ceux de Jean-Claude à l’égard de nos « concitoyens » ;-)… Car c’est, encore une fois, du côté de nos hommes politiques qu’il faut chercher les responsables d’une prise de conscience si tardive et qui peut apparaître comme un ‘revirement’ face à l’apathie/atonie précédente…
La photo du petit Aylan Kurdi (oui, il a tout de suite été désigné par un nom, c’est important : on bascule / fait basculer enfin dans le REEL…), mort face contre terre sur une plage turque le 2 septembre, a fonctionné comme un déclencheur, certes ! Elle a contribué à nous réveiller tous, à mettre des mots, via cette image forte, sur un discours jusqu’alors quasi-désincarné (au sens propre) et de rares débats très vains (les gens ne sont pas si stupides, comme tu le soulignes Jean-Claude) sur la différence entre les mots ‘migrants’ et ‘réfugiés’.
L’opinion publique n’a pas été versatile, elle s’est juste « construite ». Et le rôle des médias, les Britanniques en tête a été essentiel. L’image a fait la Une de The Independant, The Guardian, etc. dès le mercredi 2 septembre (merci Reuters). Le fil de l’AFP la « sort » à 18h30… et Le Monde suit, sur sa page facebook la nuit puis dans son édition numérique dès le jeudi matin (http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2015/09/03/la-photo-dun-enfant-mort-sur-une-plage-turque-a-la-une-de-la-presse-europeenne/) et dans son édition papier de l’après-midi datée du vendredi 4. On a vraiment été « au courant ». Les réseaux sociaux s’enflamment… « Fallait-il ou non publier ? ». Le « oui » va l’emporter : des anonymes, des journalistes, des responsables d’ONG humanitaires discutent, échangent… Pour les francophones le blog du Monde quelques jours après en est une bonne illustration de ces échanges : http://makingof.blog.lemonde.fr/2015/09/06/pourquoi-nous-avons-publie-la-photo-du-petit-aylan/
On y voit des avis différents s’exprimer. Enfin du débat…public !!!
A Libération, on s’excuse de ne pas avoir publié la photo, on en vient même à parler d’une « erreur collective » : http://www.liberation.fr/monde/2015/09/03/pourquoi-nous-n-avons-pas-publie-la-photo-d-aylan-kurdi_1375094. Le figaro.fr titre le 4 septembre « La photo d’Aylan Kurdi nous interdit d’ignorer les conséquences de la crise migratoire»…et le débat s’engage avec les internautes…
Et tout cela invite / incite nos politiques à prendre leur responsabilités. Et, pour beaucoup (laissons-leur au moins le bénéfice du doute à défaut de leur reconnaître du courage), à dire enfin tout haut ce qu’ils pensaient sans oser le dire, faute de ne pas avoir su être de vrais leaders …d’opinion, c’est-à-dire (cela n’engage que moi) capables de l’orienter dans le sens du bien public et pas seulement de la suivre.
Bref, ce qui était inquiétant c’était la situation AVANT la publication de cette photo. Quand l’opinion publique n’existait pas…
PS : en fait Aylan Kurdi s’appelait Aylan Shenu, mais ce n’est pas cela qui change grand-chose à l’histoire…